NAPOLEON I et FONTAINEBLEAU

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Napoléon I et Fontainebleau par Robert Vaxelaire (635.66 Ko)

 

UN PALAIS AU SERVICE D’UNE AMBITION

   « La demeure des rois, la maison des siècles »

 Aux confins du sud-est de l’Ile de France, les sables du Gâtinais et leur chaos de blocs gréseux donnent un aspect sauvage et accidenté à la Forêt de Fontainebleau qui sert d’ample toile de fond au château. Véritable manteau d’Arlequin, chaque souverain, depuis François 1er, y a laissé sa marque, Napoléon aussi.

La principale initiative de Napoléon fut de dégager l’accès au château en démolissant l’aile Ferrare à l’ouest et d’y implanter une monumentale grille en fer forgé, longue d’une centaine de mètres, avec deux superbes aigles dorés dominant le grand portail « Afin, écrivait Napoléon, que le palais se trouvât annoncé ». Et peut-être, songeait-il à Aristote pour qui « l’aigle est le seul de tous les oiseaux à être un oiseau divin » ? Franchir le portail de cette façon et se faire conduire jusqu’au célèbre escalier en fer à cheval, à l’autre bout de la Cour du Cheval Blanc - la cour d’honneur - donnait le temps à l’Empereur de « se revendiquer successeur de Charlemagne et des rois ». [1] 

  Les témoignages ne manquent pas de l’attachement de Napoléon pour ce château de Fontainebleau qu’il appelle - alors exilé à Sainte-Hélène -  « la vraie demeure des rois, la maison des siècles ». Et il ajoute, s’adressant à Las Cases : « Peut-être n’était-ce pas rigoureusement un palais d’architecte mais bien assurément un lieu d’habitation bien calculé et parfaitement convenable. C’était ce qu’il y avait sans doute de plus commode, de plus heureusement situé en Europe ».

L’aspect puzzle de l’immense château avait plutôt de quoi satisfaire l’empereur : sa part lui en donnait du prix. Fontainebleau répondait parfaitement à la volonté de Napoléon d’enraciner son régime dans l’histoire. Dès lors, son architecte Fontaine projetait, en février 1803, d’y installer un logement pour le premier Consul.

     L’Ecole spéciale militaire

Napoléon vint pour la première fois au château de Fontainebleau le 20 novembre 1803 pour inspecter la toute jeune Ecole spéciale militaire qui devait son existence à la loi du 11 floréal an X (1er mai 1802). Elle était destinée à enseigner à des élèves sortis des lycées les éléments de l’art de la guerre. Le Premier Consul avait décidé son siège à Fontainebleau. Le cadre, éloigné d’une capitale tentatrice, devait favoriser les études des élèves. De plus, il offrait de vastes terrains d’exercice de tir. Et l’argument traditionnel de la salubrité de Fontainebleau joua son rôle.

Cette Ecole spéciale militaire occupait l’aile Louis XV qui venait d’être restaurée par des ingénieurs militaires après une décennie de dégradation et d’abandon inimaginable. Pour piloter cette restauration et d’ailleurs celle de l’ensemble de la demeure royale, Napoléon avait recouru aux services de deux architectes qui avaient déjà œuvré pour le gouvernement pendant la Révolution : Fontaine et Percier

L’Ecole spéciale militaire débuta sa mission en juin 1803 sous la direction d’un gouverneur, le général Bellavère. Son fonctionnement s’inspirait de l’ancienne Ecole royale militaire de Paris où Bonaparte avait été élève. Les jeunes gens de 16 à 18 ans y recevaient une formation générale et une instruction militaire d’une durée de deux ans. Mais ce temps pouvait être écourté si les besoins de l’Empereur en bataille exigeaient de nouveaux combattants. Un drapeau fut confié à l’Ecole le 30 janvier 1805, arborant d’un côté l’inscription « L’Empereur des Français aux élèves de l’Ecole impériale militaire » et de l’autre « Ils s’instruisent pour vaincre ». On pouvait également trouver les trois couleurs nationales dans l’uniforme de ces aspirants : un habit en drap bleu liseré de rouge, une veste et une culotte en drap blanc, un chapeau de feutre noir orné de la cocarde tricolore qui fut remplacé par le shako en 1807.

 Cependant, sous ce bel habit, les pensionnaires subissaient un régime draconien : lever très matinal à 5 heures et coucher à neuf heures dans des chambrées non chauffées, repas avalés debout à même la gamelle, un emploi du temps très chargé (16 heures par jour). Les nouvelles recrues avaient droit au bizutage et des duels n’étaient pas rares. « Tant mieux s’ils se battent, aurait dit le premier consul. Ils feront de bons soldats ». En réalité, des coups de canif étaient portés au règlement et dès décembre 1803, certains faisaient le mur pour respirer l’air de la ville ou celui des auberges ou de lieux mal famés. Et même, aux dires du général Girod de l’Ain : « On travaillait peu à l’école de Fontainebleau ».

 Mais ce n’est pas pour ces dernières raisons que l’Ecole spéciale militaire dut déménager en juin 1808 après cinq ans d’existence à Fontainebleau. Son voisinage avec la résidence impériale se révèle difficile : « les jeunes gens ont trop de dissipation étant si près de la Cour » écrivait Napoléon. L’Ecole fut donc déplacée dans les bâtiments de l’ancienne maison d’éducation fondée par Madame de Maintenon à Saint-Cyr et ce jusqu’en 1944, puis transférée à Coëtquidan en Bretagne.

 

[1] Hébert J.F, Sarmant Th. Fontainebleau, mille ans d’histoire de France.

Date de dernière mise à jour : 08/08/2021

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